Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours ?
Je me présente, je m’appelle Henry JOUVANNEAU, je suis éleveur de bovins dans la Vienne, à 30 km au Sud de Poitiers.
J’ai repris l’exploitation familiale qui n’était pas la même qu’aujourd’hui. Mon père était négociant. Il achetait des bêtes qu’il revendait. À l’époque, la ferme était plus un lieu de transit que d’élevage, mais sur un site remarquable.
Mon parcours : J’ai grandi dans l’élevage, mais plus jeune, ce n’était pas ce qui m’intéressait le plus. J’ai toujours été passionné par le droit, alors j’ai entrepris des études dans ce milieu. Cependant, mes racines m’ont rappelé.
J’étais à Lyon et, du jour au lendemain, j’ai décidé de rentrer pour me lancer dans cette aventure-là. Cela fait maintenant un peu plus de 10 ans. Je fais de l’élevage complet, ce qui signifie que je maitrise l’ensemble de la chaine : Je fais naitre, j’élève, je nourrie et sélectionne mes animaux. Et je m’occupe personnellement, quand « le fruit est mûr », d’accompagner mes bovins jusqu’à l’abattoir, à Confolens. Ce n’est pas forcément le meilleur moment de l’aventure, mais je prétends proposer « une viande heureuse ». Donc je m’en assure jusqu’aux derniers instants.
Aujourd’hui ce qui fait battre mon cœur, ce sont les bovins, mais demain, nous lancerons peut-être une petite production de volailles. Nous élevons principalement des Limousines et une dizaine de Blondes d’Aquitaine. Je fais naître entre 60 et 80 veaux par an, indispensables au renouvellement du cheptel. Côté reproduction, tout se passe de manière naturelle dans les champs, au printemps. Par la suite, c’est un cycle très long puisque mes bovins évoluent sur notre domaine au moins 3, voire 4 ans pour les cycles les plus courts. Par la suite, nous attendons le bon moment pour procéder à l’abattage parce que chaque animal mûrit à son rythme. Quand bien même on nourrit deux bovins du même âge de la même manière, chacun d’entre eux est unique. Il faut donc être patient.
Notre spécialité : Les génisses grasses, des femelles de 3 ou 4 ans, qui n’ont jamais eu de petits. C’est un produit recherché depuis toujours pour ses qualités organoleptiques supérieures. Personnellement, je pense que tout bovin bien nourri, bien choyé, qui n’a jamais manqué de rien et à maturité, peut être très bon. Cela découle donc directement de l’alimentation et des conditions d’élevage.
Nous travaillons avec des aliments sains, de notre propre production : hormis le tourteau de lin et les pierres de sel ; notre élevage tend à une autonomie totale.
Je cultive toutes les céréales distribuées en phase de finition, à l’âge de 3 ou 4 ans : Du blé, de l’orge, du triticale, de l’épeautre, des foins de prairies naturelles et de la luzerne. Chaque matin, mon équipier et moi, concevons les rations appropriées (sans cesse ajustées) et quand ça sent bon, ça ne peut être que bon !
L’alimentation est donc principalement composée de fourrage de légumineuses, essentiellement la luzerne que l’on cultive sur une trentaine d’hectares. Elle est à nos yeux une culture magique, elle procure des effets non-seulement positifs sur les sols mais aussi et surtout sur la santé de nos ruminants. La recette pour réussir sa culture est délicate car l’objectif est de préserver les feuilles les plus nutritives, ce qui nous contraint de travailler principalement la nuit. À contre-sens des techniques actuelles, nous n’enrubannons pas nos fourrages. Il s’agit d’un film plastique qui permet de conserver les plantes immatures. Ceci est un choix car je suis contre le plastique. Pour éviter cette pollution, j’ai décidé de tout cultiver en sec.
Pour les animaux, cela me semble également plus logique car plus efficace pour favoriser la rumination. Le reste de leur alimentation c’est une eau propre.
Pour leur confort, l’hiver, nous privilégions également des lieux de vie confortables pour l’animal. C’est essentiel d’éviter tout stress en s’assurant d’avoir une bonne énergie. Nos bovins doivent se sentir dans un environnement calme et rassurant.
Nos produits sont appréciés car très simples, natures, et d’un rouge pourpre caractéristique.
Avez quels professionnels travaillez-vous ?
En direct, nous ne travaillons qu’avec une seule boucherie : La MAISON NORMAND, sur la place de Poitiers. De par notre méthode d’élevage traditionnel, nous sommes fiers de travailler avec ce partenaire local composé de professionnels passionnés. Édouard sait valoriser le produit dans le respect de sa matière, sans jamais le dénaturer.
Nous travaillons également avec un abatteur, Jacques CHARPENTIER, de Confolens. Un Monsieur qui travaille avec des restaurants et des bouchers de la région parisienne. Il peut fournir des institutions telles que le sénat, ainsi que de grands bouchers tels que Hugo DESNOYER ou encore Yves-Marie LE BOURDONNEC « Au Couteau d’Argent ». Ce sont des personnes qui apprécient les produits de nos régions.
Aujourd’hui, nous mettons un point d’honneur à ce que nos produits soient valorisés aux meilleurs endroits, chez les artisans, et pas en grandes surfaces comme cela a pu être le cas il y a quelques années. Les bouchers véhiculent nos valeurs : Familiales, pas qu’une histoire de chiffre. Nous travaillons avec de vrais passionnés qui décident des produits qu’ils achètent. Édouard vient régulièrement nous voir pour respirer l’odeur des foins, au milieu des bêtes et il raconte à ses clients ses aventures à la ferme.
Vous nous disiez travailler avec une autre personne ?
Yann est mon équipier de confiance, il est devenu mon bras droit. Yann vient du milieu agricole : Il était conducteur d’engins. Il faisait des chantiers pour un prestataire céréalier. Quand il est arrivé à la ferme, je lui ai présenté les animaux, dont il était étranger. Je suis fier d’en avoir fait un passionné des bovins. Je le sens épanoui car il a trouvé le meilleur côté de l’agriculture, le vrai : Un contact presque intime avec la nature et pas que celui avec les engins. Aujourd’hui il a compris comment « fonctionnent » les bovins : Il observe et sait rapidement quand quelque chose ne va pas.
Quelles sont les valeurs qui vous animent ?
En premier lieu le RESPECT. Celui de l’animal et de son environnement. Il est important que chaque personne qui visite notre site le respecte. Nous nous efforçons de le préserver le mieux possible, dans des conditions sereines. Nous ne souhaitons pas d’énergies négatives : Les animaux ressentent bien mieux les ondes que les Hommes. Être doux, ne pas les surprendre, surtout quand ils écoutent une mélodie de PROKOFIEV en plein milieu de la journée.
En second lieu la RÉSILIENCE. Car chaque jour compte et à chacun suffit sa peine : Les imprévus, les pannes, les aléas de la météo… Aujourd’hui je ne cours pas après l’argent, car je sais qu’il est impensable de faire passer celui-ci avant le bien-être de mes belles. Cependant, il est indispensable de maitriser les charges, les investissements afin de pérenniser notre modèle.
Je transpire ce projet, car il est animé de bon sens.
Des projets pour l’avenir ?
Cela fait 5 ans que je suis en phase de construction et d’aménagement pour faire de ce site non pas un parc de loisirs mais un lieu d’accueil pédagogique pour montrer comment on fabrique une viande heureuse. Je veux que l’on puisse venir découvrir nos méthodes d’élevage, dans le respect de l’animal qui font que le produit final est différent. Nous espérons pouvoir un jour accueillir et partager cette vision directement à la ferme.
On essaie également de faire venir des organismes qui dénoncent des méthodes d’élevage inacceptables. Non par provocation mais je suis convaincu que mettre en avant les bonnes pratiques, ça c’est constructif !
Un mot pour la fin ?
L’enjeux pour moi n’est pas aujourd’hui de révolutionner ou réinventer l’élevage mais plutôt d’opérer un retour à l’essentiel, en travaillant de manière simple, harmonieuse et respectueuse de la nature. Laisser le temps au temps pour que le bien-être animal soit vecteur de la qualité de nos produits. Pas besoin de couvrir ma viande de feuilles d’or pour la rendre unique, la lame de mon artisan boucher préféré sait la sublimer.
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